Dr Anna Boctor, vice-présidente de Jeunes Médecins “Au moment de prendre des décisions importantes, demandez-vous ce qui vous rendra la plus heureuse.”

Pneumo-pédiatre, le Dr Boctor a dû renoncer à une carrière hospitalière pour fonder sa famille. Entretien avec la vice-présidente du syndicat Jeunes Médecins, à l’occasion du 8 mars, journée de lutte pour les droits des femmes.

Vous vous destiniez à une carrière à l’hôpital, mais vous avez finalement fait le choix contraint du libéral. Quelles en ont été les conséquences ?

A la fin de mon internat, j’ai obtenu un poste de chef de clinique. Deux mois après ma prise de fonction, ma chef de service m’a proposé un poste pérenne, seulement il y avait une condition : “On voudrait que tu restes, mais tu ne peux pas faire d’enfant durant les 2 prochaines années.” Elle m’a même demandé si je prenais la pilule. Pour moi, c’était inconcevable de ne pas avoir d’enfant quand je le voulais, et j’ai vécu ce chantage comme une véritable injustice. J’ai décliné sa proposition et j’ai fini par m’installer en libéral.

Aujourd’hui, je suis heureuse d’avoir deux enfants, une fille et un garçon. Travailler à mon compte me donne la flexibilité nécessaire pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Les deux sont tout aussi importants pour mon épanouissement. Comme mes consoeurs et mes confrères, j’ai de gros horaires de travail, mais la journée du mardi est consacrée à mes enfants, et ça n’est pas négociable.

Comment encourager les femmes qui le souhaitent à devenir professionnelles de santé ?

Il y a un gros travail à faire pour aider les femmes à faire tomber leurs barrières mentales, à commencer par l’idée qu’une femme ne peut pas faire carrière en étant mère… C’est la raison pour laquelle je me suis engagée au sein du syndicat Jeunes Médecins, afin de porter plus haut le combat de l’égalité femmes-hommes dans le milieu médical. Nous avons sollicité le Défenseur des Droits pour réaliser une étude chiffrée afin d’objectiver les inégalités et de porter des propositions concrètes au gouvernement.

Pour ma part, je rêve d’être médecin depuis toute petite. Je dois ma vocation à ma gourmandise, car j’aimais beaucoup ma pédiatre qui me donnait des bonbons ! Pour autant, je viens d’un milieu modeste et il n’y a aucun médecin dans ma famille. D’origine égyptienne, les femmes n’ont pas la même place que les hommes et je crois que mon esprit d’indignation est né au berceau. Depuis lors, il ne m’a jamais quittée.

Un conseil pour les femmes en santé ?

Au moment de prendre des décisions importantes, demandez-vous ce qui vous rendra la plus heureuse et suivez votre coeur. Je suis convaincue que si j’avais renoncé à fonder une famille pour prendre le poste que ma chef de service me proposait, je l’aurais regretté sur mon lit de mort.

Rappelez-vous aussi que vie personnelle et vie professionnelle sont intimement liées : si l’une va bien, l’autre suivra, et inversement.

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