Accueil des patients transgenres, des repères pour les soignants

:loudspeaker: Stigmatisation, discriminations, violences… les personnes transgenres les subissent au quotidien, notamment dans notre système de santé où elles font face à certains professionnels peu informés, souvent empreints de préjugés, voire parfois ouvertement irrespectueux. Et ce constat concerne aussi bien les professionnels de santé que le personnel administratif.

Le 10 octobre dernier, j’ai eu l’honneur de co-animer une soirée organisée par notre MSP Nantes Ar mor Santé, dédiée à l’accueil des personnes transgenres en milieu de soins.

Près de 150 professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, étudiants en santé et secrétaires ont pu assister aux présentations du Dr. Stéphanie FERRON (Endocrinologue) et Emma BROSSARD (Bioéthique), entendre les témoignages de personnes transgenres et les retours d’expérience de soignants engagés dans leur prise en charge.

Comprendre les transidentités

La diversité des identités et des expressions de genre n’est pas un trouble mental mais un aspect normal de la diversité humaine.

  • L’identitĂ© de genre renvoie Ă  la manière dont une personne se perçoit et s’identifie intĂ©rieurement. L’expression de genre se rĂ©fère Ă  la façon dont une personne se prĂ©sente aux autres – style vestimentaire, comportement et interactions selon les normes sociales de genre – et Ă  la perception qu’en ont les autres.
    L’expression de genre est liée aux rôles socio-sexuels, c’est-à-dire à la construction sociale de la masculinité et de la féminité, et des comportements attendus chez chacun des deux sexes.

  • L’expression de genre n’est pas nĂ©cessairement liĂ©e au sexe biologique, qui est une donnĂ©e objective et mesurable (par exemple, 46XX, 46XY ou une variation intersexe).

  • L’orientation sexuelle ou Ă©motionnelle est indĂ©pendante de l’identitĂ© et de l’expression de genre. L’accueil d’une personne en questionnement sur le genre concerne l’identitĂ© de genre, sans lien avec la sexualitĂ©.

  • La transition est le processus physique, psychologique et social entrepris par une personne pour s’épanouir pleinement, en accord avec son identitĂ© de genre. Ce parcours est unique Ă  chaque individu et ne signifie pas que toutes les Ă©tapes de transformation seront rĂ©alisĂ©es. Les termes « FtM Â» (female to male) et « MtF Â» (male to female) dĂ©signent respectivement le parcours de transition du fĂ©minin vers le masculin et vice-versa.

  • Le concept de conformitĂ© de genre fait rĂ©fĂ©rence au degrĂ© auquel une personne adhère aux normes sociales Ă©tablies pour chacun des deux sexes. La non-conformitĂ© de genre dĂ©signe les personnes dont l’apparence, le comportement ou la mentalitĂ© ne correspondent pas aux attentes traditionnellement associĂ©es aux genres fĂ©minin ou masculin.

  • La non-binaritĂ© dĂ©signe une identitĂ© de genre qui ne se limite pas strictement aux catĂ©gories traditionnelles de « masculin Â» ou « fĂ©minin Â». Les personnes non-binaires peuvent s’identifier comme un mĂ©lange des deux genres, comme aucun des deux, ou encore comme quelque chose de complètement diffĂ©rent.

Pourquoi s’intéresser à la santé des personnes transgenres ?

:speech_balloon: « Un jour, j’ai téléphoné aux urgences car j’avais un problème gynécologique. À cause de ma voix d’homme, ils ont d’abord cru à une blague. Je leur ai dit que j’étais un homme trans et que j’avais un vagin. La secrétaire m’a dit qu’ils ne pourraient pas m’accueillir. Il fallait que j’aille là où j’avais fait ma transition. »

  • Le rapport 2023 de SOS Homophobie souligne que près de la moitiĂ© (44%) des cas rapportĂ©s ayant eu lieu dans le milieu mĂ©dical correspondait Ă  de la transphobie. Et 6% des actes transphobes rapportĂ©s avaient eu lieu dans le milieu de la santĂ©.

:speech_balloon: « J’ai des problèmes cardiaques depuis que je prends des œstrogènes. Mon endocrinologue m’a orientée vers des cardiologues. Trois ont refusé de me prendre en charge en apprenant que j’étais une femme trans car « je ne sais pas faire ». Un autre me dit que j’avais choisi de prendre des hormones et que je devais donc assumer et ne pas ruiner la sécurité sociale pour alimenter mon délire. »

  • Le non-recours aux soins chez les personnes transgenres est en grande partie une consĂ©quence de la stigmatisation et des violences vĂ©cues dans le milieu mĂ©dical. En raison de l’hostilitĂ© perçue ou vĂ©cue, beaucoup prĂ©fèrent Ă©viter les professionnels de santĂ©, se sentant vulnĂ©rables lors des consultations. Parmi les comportements problĂ©matiques, on trouve le non-respect du secret mĂ©dical, des questions intrusives, la nĂ©gation de l’identitĂ© de genre et des commentaires dĂ©placĂ©s de la part des soignants.

  • Les discriminations et les violences vĂ©cues par les minoritĂ©s sexuelles et de genre sont Ă  la source d’inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. Cela concerne aussi bien la prĂ©valence des IST, la santĂ© mentale, la consommation de produits ou encore les cancers.

  • Les difficultĂ©s d’accès aux soins viennent s’ajouter Ă  un Ă©ventuel rejet familial, aux stigmatisations sociales, Ă  la violence ou au harcèlement. Ce stress, dit minoritaire, est Ă  l’origine d’une faible estime de soi, d’idĂ©es suicidaires, tentatives de suicide, automutilation, anxiĂ©tĂ©, dĂ©pression, consommation de substances, de comportements Ă  risque, phobies, troubles alimentaires, troubles du sommeil…

  • Les personnes transgenres font face Ă  un parcours de soins complexe, qui implique de trouver des professionnels bienveillants et de supporter une charge mentale importante, incluant parfois l’obligation d’expliquer elles-mĂŞmes leur transidentitĂ©.

  • Face Ă  ces obstacles, elles ont recours Ă  des stratĂ©gies alternatives, comme l’automĂ©dication et la recherche de soins en dehors du système de santĂ© traditionnel.

Des repères pour l’accueil des personnes transgenres

:speech_balloon: “ Pour les professionnels de santé, ce qui est important c’est d’être à l’écoute, d’être ouvert et de poser des questions. Je trouve ça positif que le soignant s’intéresse à nous. Même sans comprendre, si on est juste à l’écoute, c’est suffisant. On peut ne pas être d’accord mais il ne faut pas juger. ”

  • Les soins d’affirmation de genre correspondent aux pratiques mĂ©dicales, psychologiques et sociales visant Ă  soutenir les personnes dans l’exploration et l’expression de leur identitĂ© de genre. Cela peut inclure des traitements hormonaux, des interventions chirurgicales et un accompagnement psychologique. Ces soins de transition de genre aident les personnes Ă  faire face aux stigmatisations et ont un impact positif sur leur santĂ© mentale.

  • Il est essentiel de respecter l’autodĂ©termination des personnes, la diversitĂ© des parcours et le rythme de chacun.

  • Le soignant doit ĂŞtre un co-expert, favorisant une collaboration et un partenariat avec le patient. L’approche de dĂ©cision partagĂ©e rĂ©duit les rapports de pouvoir mĂ©decin-patient, facilitant la prise de dĂ©cision individualisĂ©e, en particulier pour les situations d’incertitude comme la non-binaritĂ©.

  • Au cabinet, il est essentiel de crĂ©er un cadre sĂ©curisant avec des Ă©lĂ©ments visuels d’acceptation de la diversitĂ© du genre et des sexualitĂ©s (affiches, flyers) ou encore des toilettes non genrĂ©es.

  • L’équipe soignante et le secrĂ©tariat doivent ĂŞtre sensibilisĂ©s Ă  l’utilisation d’un langage neutre et inclusif Ă  la prise de rendez-vous, lors de l’accueil et dans les formulaires administratifs.

  • En consultation, il convient d’accueillir la personne avec bienveillance, sans jugement – sans prĂ©sumer que tous les patients sont cis-genres et hĂ©tĂ©rosexuels – et de demander le prĂ©nom et les pronoms souhaitĂ©s. Adopter une posture neutre et ouverte, accepter de ne pas savoir ou de ne pas comprendre – et se former sur les questions de genre – sont des Ă©lĂ©ments importants. On Ă©vitera les questions intrusives, en se concentrant sur ce qui est pertinent pour la prise en charge.

  • Les risques liĂ©s Ă  la sĂ©curitĂ© et Ă  la santĂ© mentale doivent ĂŞtre Ă©valuĂ©s, en intĂ©grant la famille dans le processus – tout en veillant Ă  ne pas “outer” la personne.

  • Une communication respectueuse avec la communautĂ© transgenre est essentielle et on acceptera que la personne soit accompagnĂ©e. La pair-aidance pour les personnes trans peut prendre la forme de groupes de soutien, d’ateliers, de forums en ligne ou d’évĂ©nements communautaires. Elle est susceptible d’amĂ©liorer l’accès aux soins des personnes trans, en les incitant Ă  consulter un professionnel de santĂ© ou en les accompagnant lors de leurs rendez-vous.

Ensemble, œuvrons pour un accueil plus inclusif et bienveillant dans les soins.

:point_down: N’hésitez pas à partager d’autres conseils, expériences ou questions en commentaires pour s’entraider et mieux accueillir l’ensemble de nos patients.

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Merci de m’avoir lu et belle journée :blush:
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Dr Erik Bernard

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ça ne m’est arrivé qu’une fois mais c’est bien d’avoir des infos à l’avance.

Merci

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Bonjour 100% aligné avec vous .J’accompagne régulièrement des personnes en transition qui ont beaucoup de difficultés à trouver des infirmiers(eres) pour réaliser leurs injections .Ils sont admirables par leurs courage et leur détermination. :muscle: :clap:
J’ai cependant une réserve concernant les enfants .
J’ai actuellement ( depuis plusieurs mois)un patient âgé de 14 ans en parcours de transition (de femme à homme).Il est très , voir trop?soutenu par ses parents . Je me demande toujours si il ne risque pas de le regretter une fois adulte ,sachant qu’on ne revient jamais totalement en arrière. :thinking:
Que dit la loi Ă  ce sujet ?
Merci

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Cette phrase à elle seule permet malheureusement de comprendre que cet article n’est pas un article médical mais un article militant.
Pour le reste, je suis vraiment très très loin d’être convaincu qu’accompagner une personne dans la négation de son propre corps soit réellement un acte de soin.
Le problème avec le transsexualisme c’est que notre langue est ainsi faite qu’il faut quasi-immĂ©diatement « choisir son camp Â» en genrant le patient soit selon ses dĂ©sirs, soit selon son sexe biologique. C’est vraiment l’une des rares situations en mĂ©decine oĂą je me sens systĂ©matiquement bloquĂ© par la pression idĂ©ologique. Je n’ai finalement que 2 options : accompagner le patient dans sa transition, ou refuser (avec de surcroit un risque mĂ©dico-lĂ©gal !). Il n’y a plus cette troisième voie que j’affectionne dans les situations complexes : celle de la discussion, du compromis, du changement de point de vue.
Je pense que dans 30 ans, les soignants regarderont cette décennie comme une période de déraison.

Merci beaucoup pour ce document ! Parfait !

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tout a fait d’accord avec ton analyse.
Et mon incomprehension sur le relais par doctolib d’un tel article militant …

1/ il y a des lois et en tant que médecin nous nous devons de respecter la loi. les propos ci dessus sont des points de vue entrant potentiellement dans la définition de la transphobie

2/ quels que soient nos points de vue, les personnes trans existent et accèderont aux soins qu’ils le souhaitent, avec un délai plus ou moins long qui altèrera leur santé mentale (santé mentale plus ou moins abimée selon les cas). A moins que les passages à l’acte autoagressifs soient passés par là.

3/ Evidence based medicine. Allons sur pubmed pour avoir le point de vue de la science. A ce qu’il parait, pubmed c’est fiable.

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Vous avez tout Ă  fait raison. Je reste quand mĂŞme assez navrĂ©e que la transidentitĂ© participe Ă  vĂ©hiculer les pires stĂ©rĂ©otypes de genre. On peut ĂŞtre une femme et marquer une prĂ©fĂ©rence pour nombre d’activitĂ©s Ă©tiquetĂ©es « masculines Â» sans pour autant ĂŞtre un homme. De mĂŞme, je vois assez mal ce qui empĂŞche d’être un homme tout en aimant porter une jupe ou se maquiller. Il me semble que la lutte contre ces stĂ©rĂ©otypes devrait ĂŞtre priorisĂ©e, ce qui permettrait d’éviter des dĂ©cisions très lourdes de consĂ©quences chez des adolescents.

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Et voilĂ , CQFD.
C’est devenu absolument insupportable.

@Dr_CHABOT_AGNES
Attention, vos propos flirtent avec la transphobie ^^
Plus sĂ©rieusement, je suis totalement d’accord avec vous. Il y a effectivement une contradiction fondamentale dans l’idĂ©ologie « transgenre Â» : on veut obliger les autres Ă  accepter une personne qui est finalement incapable de s’accepter elle-mĂŞme. Travaillons plutĂ´t Ă  nous accepter nous-mĂŞmes !

Merci pour vos retours d’expérience et commentaires.

J’ai conscience que la transidentité est un sujet avec lequel certains ne sont pas à l’aise.
Cela questionne nos propres représentations autour l’identité et de l’expression du genre.
Qu’est-ce qu’une femme ?
Qu’est-ce qu’un homme ?

Dans leurs parcours de transition, les personnes transgenres ont parfois besoin d’un professionnel de santé (par ex. traitement hormonal).
Elles ne sollicitent pas notre avis et encore moins notre approbation.

Rappelons 2 grands principes (source) :

  • dĂ©pathologisation de la transidentitĂ©
  • autodĂ©termination des personnes, seules Ă  mĂŞme de dĂ©finir leur identitĂ© de genre

Toute distinction opérée entre les personnes sur le fondement de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre constitue un délit passible de sanctions pénales (article 225-1 du Code pénal), au même titre que celle fondée sur le handicap, l’apparence physique ou encore les opinions politiques et religieuses.

Un médecin a l’obligation de prendre en charge toute personne sans discrimination.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins l’a récemment rappelé.

Si des situations particulières permettent à un médecin de refuser ses soins, elles ne peuvent être fondées sur un motif discriminatoire.

:hugs:

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Merci @Dr_BERNARD_Erik pour cette synthèse qui permet de clarifier des notions floues. :slightly_smiling_face::+1:

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Merci de vos éclairages sur ce sujet clivant . Les soignants ne sont pas tous prêts à bousculer les croyances ou les apprentissages mais ça avance …
Il est vrai que c’est plus complexe à notre époque de détricoter les notions du genre ressenti , du sexe biologique et de la sexualité . Le patient , ses souffrances , et nos moyens pour l’aider ou le soulager doivent être l’axe de notre action .
la bienveillance et l’empathie doivent rester au centre de nos préoccupations de soins dans le cadre de la loi bien sûr et du respect de notre serment .
N’oublions pas de former les personnels administratifs -et ce n’est pas toujours simple …! pour qu’ils se gardent de jugement à priori .

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Merci et bravo pour cet article !

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