Praticienne en libéral depuis douze ans ans après huit années d’exercice dans la psychologie de la santé en milieu hospitalier, Caroline Delannoy nous partage son expérience et son regard pour développer sa patientèle en tant que psychologue en 2021.
Comment un psychologue peut-il compter sur son réseau pour développer sa patientèle ?
Le réseau professionnel est essentiel. Toutefois, construire un réseau pour développer sa patientèle n’est pas un but en soi. C’est bien sûr indispensable en libéral afin de maintenir son activité viable de façon pérenne, mais le but d’un psychologue n’est pas d’accumuler les patients. Le psychologue contribue à la diffusion d’une meilleure connaissance des fonctionnements psychologiques des individus et à l’amélioration de la santé mentale, aux côtés des autres acteurs de santé. Son action ne se focalise pas seulement sur la prévention tertiaire, qui agit sur les complications et les risques déjà installés. Il tend à intervenir aussi sur les préventions secondaires (stade précoce des situations difficiles ou des troubles) et primaires (agir en amont). Pour cela, l’inscription dans un maillage professionnel est indispensable afin d’aider les autres professionnels à identifier des personnes pouvant bénéficier d’une attention psychologique, voire leur permettre de déceler ces situations difficiles bien en amont, avant que les complications plus importantes ne surviennent.
Le psychologue développe son réseau pour participer à ces missions. Si ce travail est positif, il mène à une meilleure visibilité, une reconnaissance plus forte de son expertise, et participe in fine au développement de sa patientèle. Pas l’inverse. Il est d’ailleurs plus constructif d’envisager cet enjeu que de viser une approche purement transactionnelle. Tout au long de mon activité de psychologue, je n’ai eu de cesse de constituer et d’enrichir les écosystèmes autour de mes projets, des missions que j’ai menées ou de l’activité de clinicienne en libéral. L'écosystème est à la fois un canal d’apprentissage et un facteur de résilience. Dans la crise actuelle qui intervient dans un contexte qui était déjà volatile et accéléré, il est devenu essentiel d’exercer dans un écosystème où nous pouvons facilement échanger sur notre pratique, apprendre, et nous situer par rapport à la clinique d’autres professionnels de santé. Voici de bonnes questions à se poser lorsque l’on est psychologue : comment avez-vous envie de participer concrètement au maillage dans la santé? Sur quels aspects vous sentez-vous en mesure de contribuer ? Comment les autres professionnels peuvent-ils compter sur vous?
Le bouche-à-oreille existe-t-il en psychologie ?
Bien sûr, c’est même le principal vecteur de circulation du nom d’un praticien. Il est même à encourager pour une raison majeure : il aide à la destigmatisation de tout ce qui touche au psychologique. Plus les personnes peuvent parler librement de leurs états émotionnels, et plus il leur est possible d’être accompagné de façon constructive, plus cela rend accessible au plus grand nombre l’attention psychologique et psychiatrique.
À la fin des prises en charge que je réalise, j’indique aux personnes que je reste disponible pour toute question qui relève de mon domaine de compétences, ou pour une mise en relation avec d’autres spécialistes de confiance, ou même pour orienter un de leurs proches vers un psychologue ou psychiatre adéquat. Cela participe à cette prévention secondaire et tertiaire dont je parlais tout à l’heure.
Quelle utilisation faites-vous de l’agenda en ligne Doctolib ?
Doctolib m’a permis de faciliter la gestion de mon activité de psychologue (administrative et comptable), et d’avoir un système de téléconsultation sécurisé et pratique. De plus, cela a contribué à augmenter ma visibilité directe auprès des patients. Je passe moins de temps qu’avant à me faire connaître auprès de prescripteurs, et je peux ainsi me consacrer plus pleinement au cœur de ma pratique de psychologue. J’apprécie également que les patients puissent gérer eux-mêmes leur rendez-vous lorsqu’il est difficile de le maintenir en raison de leur emploi du temps chargé et du mien. J’ai pu intégrer l’outil à ma pratique et pas l’inverse : la possibilité de paramétrer beaucoup de fonctionnalités permet que tout soit aligné avec le cadre éthique et clinique de mon exercice en tant que psychologue.
Pensez-vous que Google My Business soit un outil adapté aux psychologues ?
Je suis très favorable à encourager les recommandations en bouche-à-oreille, dans le cadre de discussions bienveillantes, nuancées, contextualisées et respectueuses. En revanche, je ne suis pas favorable au fait de déposer des avis lisible à une grande échelle sur tout ce qui concerne le soin et la santé. Les interventions médicales sont tellement complexes et les sujets tellement personnels, que ce soit pour la santé physique ou mentale, que cela encourage à la prudence.
Un travail sur soi est constitué de plusieurs phases dont certaines peuvent être très délicates à vivre. Un patient fragilisé pourrait être tenté d’exprimer ses doutes et son ressentiment sur Internet pendant une telle période. Mais cela le conduit à s’exposer et ne rend pas forcément justice au travail de son thérapeute. Cela soulève d’autres questions comme celles-ci : sur quelles bases s’appuie-t-on ? Quel est le recul de la personne qui écrit son expérience ? Quel référentiel ?
Avez-vous utilisé la téléconsultation pendant les épisodes de confinement ?
Tout à fait. C’est une technologie très utile, et elle a son intérêt pour beaucoup de situations où malheureusement le patient ne serait pas en mesure de se déplacer jusqu’au cabinet. C’est une décision à prendre avec lui. Comme les psychologues le savent, la vidéo est un cadre d’intervention fondamentalement différent du présentiel, et nécessite donc du discernement. Il ne convient pas forcément à tous ni à tous les types de consultation.
Pour moi, les psychologues qui souhaitent utiliser la consultation vidéo doivent veiller à se former sur cet outil et à construire leur cadre clinique et éthique. Le patient n’est plus dans votre cabinet, mais chez lui ; il n’a pas eu le temps de trajet pour se mettre en condition ; il n’a peut-être pas la possibilité d’avoir un échange confidentiel à son domicile. Il faut apprendre à lui poser des questions pour vérifier qu’il se sente en sécurité dans ce nouveau cadre. En outre, la présence d’un écran peut rendre l’échange plus “virtuel” pour certains : il faut savoir en tenir compte. La Fédération Française des Psychologues et de Psychologie a d’ailleurs diffusé des réflexions et recommandations sur la pratique de la télépsychologie, et organise des colloques sur ce thème.